Les Explosions de Sérgio Bello
Les êtres humains apparaissent mêlés à une explosion d'érotisme dans la rue pavée d'un Paris imaginaire. Ils nous tournent le dos, ils regardent et rencontrent leurs passé dans un miroir qui reflète leur naturalité. Dans cette exposition d'art érotique ancien (Grèce, Chine, Japon, Pérou, Perse, Népal, France, Inde, Egypte …), l'amour charnel si souvent dévoyé se trouve sanctifié.
Jean-Claude BADOT
Paris, Janvier 1983
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Les Explosions de Sérgio Bello
L'œuvre de Sérgio Bello reflète sa vie et son tempérament. Il nous conte une partie de son histoire à travers l'espace de ses dessins et lithographies, où parfois, fiction et réalité ne font qu'une.
Des fleurs, des myriades de fleurs tapissent le ciel d'une cité brésilienne dont les rues semblent vides. Mais, où sont les êtres humains ? Réfugiés dans leurs maisons ou ailleurs ou nulle part. Une forme de vie existe malgré tout les cocotiers et les lampadaires se contorsionnent le long des avenues qui s'élancent vers l'horizon. Fiction, imagination, réalité d'artiste, ou plutôt désir d'artiste. Sérgio Bello rêvait le monde depuis son cocon et le reconstruisait : monde paradisiaque, jardin d'Eden où les rapports humains restaient invisibles. Il découvrit Paris, ville cosmopolite, ville phare. Tout s'y dit, tout s'y fait et tout y est possible.
Le temps passe, les fleurs s'évanouissent et font place à des figures mystiques et solitaires qui incitent au péché. Face au vertige, la figure narcissique de Saint-François d'Assises, chasseur d'oiseaux, offre un refuge temporaire. Repli sur soi, méditation intensive. En suite, il faut renaître, apprendre à connaître le monde, ses tourments et ses misères. Le ciel, autrefois serein, s'assombrit et devient noir. Les ruines s'amoncellent. Les hommes apparaissent réprimés, torturés, ou enchaînés. Telle est la réalité.
Le monde explose, il faut briser les chaînes !
Sérgio Bello tente de saisir ce bouleversement à l'échelle d'un univers en constante évolution, où l'être humain et lui-même cherchent leur place. La matière en interaction avec la matière engendre la matière. L'univers ne naît pas, l'univers ne meurt pas. Mouvement perpétuel dans l'espace-temps qu'alimente une explosion cosmique, un orgasme interstellaire.
Redescendons sur terre.
Les êtres humains apparaissent mêlés à une explosion d'érotisme dans la rue pavée d'un Paris imaginaire. Ils nous tournent le dos, ils regardent et rencontrent leurs passé dans un miroir qui reflète leur naturalité. Dans cette exposition d'art érotique ancien (Grèce, Chine, Japon, Pérou, Perse, Népal, France, Inde, Egypte …), l'amour charnel si souvent dévoyé se trouve sanctifié. Sérgio Bello renoue avec l'intuition originelle des anciennes religions de l'Inde où tout sacrifice, toute cérémonie sacrée est nécessairement et fondamentalement basée sur un symbolisme sexuel :
" La femme est le foyer, son vagin le combustible,
Les avances de l'homme sont la fumée,
La vulve est la flamme, l'immixtion les tisons,
Le plaisir les étincelles.
Dans ce foyer, les dieux versent la semence.
De cette offrande naît un être vivant ".
(Chhandoggya Upanishad, 5-8-1-2).
Par une série d'explosions successives, l'itinéraire de Sérgio Bello l'a conduit d'un monde stérile au cœur même de l'être humain. Son art n'a rien de figé. Il évolue sans cesse dans la forme et dans l'expression.
A quand la prochaine explosion ?
Jean-Claude BADOT
Paris, Janvier 1983